Exemple d’une stratégie de recrutement extraite d’un roman

Avez-vous déjà été dans cette situation ? Imaginez. Vous êtes tranquillement dans votre fauteuil préféré. Vous commencez la lecture d’un nouveau roman. Tout d’un coup, vous passez d’une simple lecture oisive à une analyse experte. Vous vous dîtes alors : « cela pourrait être un bon exemple d’une stratégie de recrutement ! ». Ce fut notre cas, il y a quelques semaines, alors que nous lisions Le Serment des Hommes Rouges, un roman de Ponson du Terrail.

Vous ne le connaissez peut-être pas, pourtant vous avez sûrement déjà entendu parler de Rocambole, non ? Rocambole est un des personnages phares de Ponson du Terrail, contemporain d’Alexandre Dumas. C’est grâce à lui que le terme rocambolesque existe. Il est également l’auteur d’un très grand nombre de romans-feuilletons. Et justement, nous allons nous intéresser à l’un d’entre eux.

Un exemple d’une stratégie de recrutement de l’époque

Extrait du livre Le Serment des Hommes Rouges

Il y avait un grande rumeur à la porte Montmartre, devant un cabaret qui avait cette enseigne bizarre : Au sergent recruteur.

Une centaine de jeunes gens de quinze à vingt ans, appartenant pour les deux tiers à la classe ouvrière, et pour le tiers restant à la caste boutiquière et à la bourgeoisie de Paris, se pressaient aux abords du cabaret.

Un tambour de gardes-françaises avec son habit blanc à parements bleus, son tricorne et sa perruque poudrée, battait le rappel, et parfois, entre deux roulements, dépliait une grande pancarte et lisait à haute voix l’avis suivant :

« Monsieur le marquis de Langevin, mestre de camp, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint Louis et colonel-général du régiment des gardes-françaises, fait assavoir :

1° Que, par ordonnance du roi, contre-signée par son Excellence le secrétaire d’Etat au département de la Guerre, le régiment des gardes-françaises vient d’être augmenté de deux compagnies ;

2° Que, les cadres de ces compagnies ayant été formés et chaque officier pourvu de son emploi, il est nécessaire de compléter l’effectif ;

3° Que les jeunes gens qui désirent servir peuvent s’adresser, soit directement à M. le marquis de Langevin, soit à MM. de Bressuire et de Vauxcouleurs, capitaines-commandants d’icelles compagnies, lesquels les enrôleront; soit enfin à Humbert, dit Pivoine, sergent-recruteur, qui leur comptera dix pistoles en leur faisant signer leur engagement ;

4° … (Nous ne garantissons pas le texte de cet article que Humbert, dit Pivoine, débita de mémoire sans regarder la pancarte) : Le régiment des gardes-françaises est le plus agréable de tous les régiments. On y danse le dimanche au son des violons et de la flûte. La solde est bonne, exactement payée. Les soldats ont la permission de dix tous les jours, et de minuit les jours de fête. Le colonel n’interdit à ses soldats, pourvu que le service ne souffre point, ni les amourettes, ni le cabaret. Les beaux garçons sont enrôlés de préférence, le régiment des gardes-françaises ayant à cœur de soutenir sa belle réputation de galanterie ».

Le Serment des Hommes Rouges de Ponson du Terrail

Qu’est-ce qui ressort de cet extrait ?

Chaussons notre plus belle paire de lunettes et commençons notre analyse. Le sergent-recruteur, dit Pivoine, recrute pour le régiment des gardes-françaises en 1746. A cette occasion, il mène les rencontres dans un cabaret.

La cible

Pivoine vise des jeunes candidats, âgés entre 15 et 20 ans. Il opte pour un lieu pouvant réunir et attirer les jeunes hommes correspondant au poste à pourvoir. Il y a donc une adaptation inconsciente de la stratégie de recrutement en fonction de la cible visée.

La communication

Musique, vêtements distinctifs et pancarte, les gardes-françaises se rendent visibles pour inciter leurs futures recrues à postuler.

« Une mise en scène » utile puisqu’elle signale qu’un évènement particulier a lieu. Par ailleurs, elle valorise l’uniforme de la compagnie ainsi que ses différents membres.

La pancarte, quant à elle, donne un point de repère aux personnes passant près du cabaret.

Le discours

Pour haranguer la foule, Pivoine a construit son discours avec trois messages-clés :

  1. Les raisons de l’ouverture des postes (points 1 et 2)
  2. Le profil recherché (point 3)
  3. Le contact du recruteur (point 3)
  4. La promesse employeur des gardes-françaises (point 4), avec :
    • l’ambiance au sein de la compagnie
    • la rémunération
    • les congés
    • la réputation

Que pouvons-nous retenir ?

De cet extrait littéraire, il est intéressant d’avoir à l’esprit, lorsqu’il s’agit d’une stratégie de recrutement, de :

  • adapter sa stratégie à la cible : message, processus et canal de diffusion
  • expliquer la raison de l’ouverture de poste
  • valoriser la promesse employeur
  • s’appuyer sur sa réputation employeur